L’IASB a publié les résultats de sa consultation publique engagée depuis 2021 auprès des parties prenantes à la normalisation comptable, ces résultats remontés au normalisateur lui ont permis d’adapter son programme de travail en conséquence.

Lionel Escaffre
Professeur à l’Université d’Angers
Commissaire aux comptes associé Groupe Y NEXIA Paris

L’IASB a lancé en 2021 et début 2022 une grande consultation publique destinée à recueillir les axes majeurs et futurs de la normalisation comptable à horizon de 5 ans. L’objectif de ces travaux consiste à orienter les typologies d’amélioration du référentiel normatif en matière de modalités d’application et de transparence financière. Les retours de cette consultation en juillet 2022 ont permis au normalisateur international de dresser un programme de travail autour de trois grandes thématiques :

(i) L’IASB souhaite renforcer une normalisation facilitant le développement de l’information comptable et financière dématérialisée et numérique comme l’ESEF (Format électronique unique européen pour les rapports financiers annuels de sociétés cotées sur marché règlementé et applicable en Union Européenne).

(ii) L’intelligibilité de la normalisation internationale est une préoccupation des utilisateurs des comptes à laquelle le normalisateur souhaite apporter une réponse. Il est incontestable qu’aujourd’hui de nombreux préparateurs et utilisateurs de comptes considèrent que certaines normes comme, par exemple, IFRS 9 (Instruments financiers de base et dérivé) ou IFRS 15 (comptabilisation du chiffre d’affaires et des produits) demeurent encore trop complexes à appliquer et trop souvent sujettes à interprétation.

(iii) L’ASB a pris la décision de cibler ses travaux de normalisation sur les actifs incorporels, le tableau des flux de trésorerie et les risques liés aux aléas climatiques et à la mesure de l’emprunte carbone. Le traitement des goodwill et l’absence d’amortissement qui en découle a commencé à être réexaminé par le normalisateur. La présentation du tableau des flux de trésorerie a été revue pour améliorer la lecture de la liquidité de l’entreprise au sens de l’application des définitions données à la trésorerie par la norme IAS 7. Enfin l’IASB souhaite incorporer dans les évolutions normatives du référentiel l’impact du changement climatique. Les normes IAS 1 (Etats financiers), IAS 36 (Test de dépréciation), IAS 37 (Provisions et passifs) et IFRS 9 (Instruments financiers) sont particulièrement concernées par les conséquences financières liées au climat.

Plus largement, les parties prenantes à la normalisation comptable internationale souhaitent une concertation avec les travaux de standardisation menés par l’ISSB (International Sustainability Standards Board). L’objectif est d’assurer une coordination entre le référentiel comptable financier (IFRS) et la normalisation comptable extra-financière (IFRS – Sustainability Disclosure Standards). Ces deux référentiels doivent pouvoir être complémentaires et parfaitement coordonnés pour en faciliter l’application par les entreprises.

Malgré certaines remises en cause de ses orientations stratégiques par les parties prenantes, le cœur de son métier demeure l’élaboration des normes en appréciant les améliorations qui peuvent y être apportées. En conséquence des revues port-implementation pour les normes les plus récentes sont en cours. Cette revue porte principalement sur les normes IFRS 9 (Instruments financiers), IFRS 15 (comptabilisation des produits) et IFRS 16 (Contrats de location).

Indépendamment des recommandations des parties prenantes, l’IASB a aussi établie une liste de thèmes normatifs dans le cadre de ce plan quinquennal. Le normalisateur souhaite d’une part, réfléchir sur une refonte de la définition du traitement des segments opérationnels tels que définis par la norme IFRS 8 et d’autre part s’interroger sur la comptabilisation applicable aux matières polluantes dont la tarification est règlementée.

En synthèse, il est difficile d’apprécier l’importance d’un sujet par rapport à un autre, toutefois les études académiques et universitaires en France et dans le monde sont assez unanimes pour montrer que la complexité d’application des normes comptables génère brouillage dans la délivrance de l’information. Brouillage souvent très néfaste à la transparence malgré une bonne volonté de l’émetteur. Pour preuve, les fondements de la reconnaissance du chiffre d’affaires en IFRS 15 sont des sujets de discussion parfois complètement emphatique, interprétatif et sans réelles stabilités quant à une éventuelle comparabilité entre les entreprises. Ces discussions entre normalisateurs, régulateurs, commissaires aux comptes et entreprises sont bien souvent coûteuses et pourraient parfois s’apparenter davantage à de la spéculation intellectuelle plutôt qu’à une réponse scientifiquement incontestable.

Ce constat semble être entendu par le normalisateur comptable international qui rappelle que toutes rédactions normatives doivent être claires et sans ambiguïté sémantique en rappelant notamment aussi qu’un référentiel est un ensemble de texte coordonnés entre eux. Cette stratégie dont témoigne le programme de travail assigné à l’IASB s’inscrit dans un contexte totalement nouveau, la prise en compte de l’impact climatique des activités économiques des entreprises, en matière de coût, en matière de consommation énergétique, en matière de protection de l’environnement… Un vaste débat qui impose d’envisager une comptabilité extra-financière fondée sur un consensus normatif.