Les recommandations « vertes » du régulateur boursier
L’Autorité des Marchés Financiers, dans ses recommandations 2023, rappelle la prépondérance d’une communication cohérente en matière de risques climatiques et de développement durable.
Lionel Escaffre, Professeur à l’IAE de l’Université d’Angers – Commissaire aux comptes associé Groupe Y NEXIA Paris
A la lumière de la directive européenne CSRD, transposée en France le 7 décembre 2023, et compte tenu des pratiques d’informations financières constatées, le régulateur boursier souhaite une parfaite cohérence entre les états financiers et les engagements climatiques communiqués par les entreprises comme les investissements bas-carbone, les mesures de réduction de gaz à effet de serre et l’exposition aux évolutions du climat en matière d’estimation comptable. Cinq thématiques sont visées par cette préconisation, (I) les tests de dépréciation, (II) la fourniture d’énergie décarbonée, (III) les quotas de CO2, (IV) les financements fondés sur des indices de durabilité, (V) le chiffre d’affaires et les informations sectorielles.
(I) Les groupes sont tenus de préciser comment sont intégrés les paramètres climatiques au sein des hypothèses calculatoires des tests de dépréciation des actifs. Le régulateur propose d’incorporer des paramètres comme l’évolution du mix énergétique ou le coût des quotas de gaz à effet de serre. Ces paramètres doivent reposer sur des sources identifiables et contribuer aux analyses de sensibilité des scénarii inhérents à la pertinence de ces tests de valeurs. Par ailleurs, l’aléa climatique est aussi de nature à générer de nouveaux indices de perte de valeur qui devront être traités et anticipés pour l’élaboration des projections de flux de trésorerie. Ces indices de perte de valeur doivent aussi conduire les entreprises à s’interroger sur la composition de l’UGT et sur la nécessité de tester des actifs pris isolément compte tenu de leurs émissions de carbone et de la nécessité de leurs remplacements.
(II) L’AMF demande aux groupes contractant des Power Purchase Agreements (PPA) et Virtual Power Purchase Agreements (VPPA) de communiquer principalement le volume d’électricité souscrit, la durée d’approvisionnement, les objectifs et les minimums garantis. L’émetteur doit aussi préciser le traitement comptable retenu comme la consolidation selon la norme IFRS 10 en cas de structure ad hoc porteuse du contrat, ou en instrument financier selon la norme IFRS 9 en indiquant les engagements résultant de ces contrats comme la durée, le volume et le prix, engagements susceptibles de justifier la comptabilisation d’un instrument dérivé de couverture.
(III) L’AMF préconise que les entreprises présentent les modalités de comptabilisation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, les certificats d’économie d’énergie ou tous les dispositifs juridiques contractuels analogues. Cette information doit présenter les impacts sur le bilan et le résultat en termes de provisions et d’évaluations des actifs, par exemple.
(IV) La rémunération que les banques reçoivent sur des financements « durables » pose la question en IFRS 9 de la qualification de prêts basiques (« SPPI ») et donc de leur classement et évaluation. L’IASB a publié un projet d’amendement de la norme IFRS 9 qui précise l’analyse à effectuer pour remplir les critères de prêts basiques et qui fournira une appréciation quant aux traitements comptables des financements fondés sur des indexes de durabilité. Dans le prolongement de ce projet d’amendement de la norme IFRS 9, l’AMF demande aux établissements de crédit de communiquer des informations sur ces financements dans leurs états financiers.
(V) En cas d’évolution de la communication financière des sociétés du fait de leur exposition au risque climatique et en tenant comptes de la trajectoire en termes de durabilité qui sera annoncée dans la cadre du rapport de durabilité (à partir des exercices ouverts 1/01/2024), l’AMF recommande aux groupes de s’interroger sur l’impact potentiel des risques climatiques sur l’information sectorielle. Cette analyse est à entreprendre en lien avec la répartition des UGT ayant servi à assurer les tests de dépréciation. En cas de regroupements de secteurs, les émetteurs doivent s’assurer en application de la norme IFRS 8 que les critères de regroupement sont cohérents en termes de réglementations, de contextes économiques similaires, de similarité des produits, de prestations et de clients mais aussi en tenant compte des conditions spécifiques liées aux risques climatiques et à la législation sur la durabilité qui s’y applique.
En conclusion, il faut rappeler l’impérieuse nécessité que les émetteurs puissent assurer une information aussi parfaitement cohérente et adossée entre les états financiers et la DPEF. Cet adossement est d’autant plus attendu avec l’établissement du futur rapport de durabilité qui est porté par des normes (ESRS) et une taxonomie interconnectée avec la normalisation comptable.