Les retours de tensions hyperinflationnistes dans le monde conduisent les entreprises à (re)découvrir les dispositions de la norme IAS 29.

Par Lionel Escaffre, professeur à l’Université d’Angers, commissaire aux comptes associé, Groupe Y Nexia Paris

L‘évolution du niveau général des prix a provoqué dans de nombreux pays le développement d’une inflation hautement significative interrogeant les entreprises sur l’application de la norme IAS 29 destinée à permettre un retraitement monétaire des transactions réalisées en monnaie dégradée. L’hyperinflation est révélée par certaines caractéristiques de l’environnement économique d’un pays telles que les suivantes :

  • (i) la population préfère conserver sa richesse en actifs non monétaires ou cn une monnaie étrangère relativement stable comme le dollar ou l’euro ;
  • (ii) la population recherche des montants libellés dans une monnaie différente de la monnaie locale, les prix sont alors exprimés dans cette monnaie étrangère ;
  • (iii) les ventes et.les achats à crédit sont stipulés à des prix incorporant la perte de pouvoir d’achat attendue sur la maturité du crédit ;
  • (iv) les taux d’intérêt, les salaires et les prix sont indexés sur les prix ;
  • (v) le taux cumulé de l’inflation constaté sur trois ans est proche de 100 % ou dépasse cette progression.

IAS 29 relative 4 l’information financière dans les économies hyperinflationnistes précise les modalités de retraitement des états financiers de l’exercice N établis dans sa monnaie fonctionnelle selon la convention du coût historique. Ce retraitement doit être effectué en application d’un indice général des prix calculé dans l’unité de mesure constatée en fin d’exercice. Les actifs et passifs non monétaires sont retraités de l’inflation en contrepartie des capitaux propres (« other comprehensive income ») pour corriger l’inflation déterminée sur l’exercice. Les éléments monétaires ne sont pas modifiés car l’application d’un taux de clôture est déjà conforme au taux d’inflation identifié.

Pour les états financiers présentant leurs actifs non monétaires en juste valeur (IAS 40, IFRS 9, etc.), le retraitement n’est pas applicable car ces postes comptables sont déjà calculés dans une unité monétaire déjà impactée par le taux d’inflation. Les groupes sont tenus de retraiter les chiffres présentés en comparatifs (N-1) en application d’un indice général des prix, permettant une présentation comparable dans l’unité de mesure en vigueur à la fin de la période de l’exercice N.

Les variations de valeurs consécutives à ces retraitements et portant sur les actifs et passifs non monétaires durant l’exercice sont à constater sur une ligne séparée et clairement identifiée au sein du compte de résultat.

En consolidation, l’entreprise a la charge de convertir au cours de clôture ses états financiers ainsi retraités de la monnaie de fonctionnement à la monnaie de présentation des comptes consolidés. En conséquence, et conformément à IAS 21 relative à la comptabilisation des effets des variations des cours des monnaies étrangères, les actifs, passifs, capitaux propres et éléments du compte de résultat sont convertis au cours de clôture de l’exercice de présentation (N).

L’IFRS-IC, en interprétation des normes IAS 21 et IAS 29, stipule que les comptes d’une société dont la monnaie de fonctionnement est considérée comme hyperinflationniste doivent être convertis au taux de clôture. Il est toutefois parfois délicat, mais les pays exposés à une très forte inflation associée à une défiance dans la monnaie nationale par les résidents, ‘de déterminer avec une fiabilité suffisante de taux de clôture « spot » a retenir. L’IFRS-IC pose l’hypothèse que ce taux doit être capté sur la base d’un mécanisme de marché des changes reconnu légalement et aisément convertible dans d’autres devises. En cas d’impossibilité de conversion, c’est au groupe de rechercher le taux de clôture le plus fiable, l’IFRS-IC n’a pas souhaité préciser les dispositions d’IAS 21 a ce titre. Le taux de change du pays défini par la banque centrale est à vérifier en se rapprochant des établissements de crédit qui financent des opérations significatives dans ces zones géographiques. L’IFRS-IC a notamment précisé la nécessité pour les sociétés d’appliquer IAS 29 (§ 26) : « Lorsque plusieurs cours de change sont disponibles, le cours utilisé est celui auquel les flux de trésorerie futurs représentés par la transaction ou le solde auraient pu être réglés si ces flux de trésorerie avaient eu lieu à la date d’évaluation. Si la convertibilité entre deux monnaies est momentanément suspendue, le cours utilisé est lé premier cours ultérieur auquel des opérations de change ont pu être réalisées. »

En conséquence, l’entité doit appliquer le taux de conversion qui serait appliqué si le groupe pouvait remonter les flux de trésorerie issus de sa filiale ou de ses activités 4 l’étranger en fin d’exercice, comme le taux utilisé pour le versement des dividendes (Update de l’IFRS-IC 11/18), c’est-a-dire un taux légal sur un marché efficient et lisible.