Les conséquences du Pilier 2 de l’OCDE sur la comptabilisation des impôts différés
L’IASB se penche sur une exception à la comptabilisation, en IAS 12, du taux d’impôt minimum de 15 % applicable aux entreprises internationales et opérant dans les 135 pays membres de l’OCDE.
Par Lionel Escaffre, professeur à l’Université d’Angers, commissaire aux comptes associé, Groupe Y Paris
Le 9 janvier 2023, le board de l’IASB a communiqué un exposé sondage n° ED/2023/1 relatif à la « Réforme fiscale internationale – Modèle réglementaire du Pilier 2 » destiné à envisager une exemption temporaire pour la comptabilisation de la fiscalité différée résultant de ce pilier. Ce projet de norme est en réalité un amendement à la norme IAS 12 qui privilégie une reconnaissance bilantielle systématique de la fiscalité différée dès que la base comptable et fiscale doit être nécessairement rapprochée pour justifier une preuve d’impôt. Conformément au processus de normalisation du normalisateur, les parties prenantes pouvaient fournir leurs commentaires avant le 10 mars 2023. Le texte définitif, amendements à la norme IAS 12, serait applicable aux exercices ouverts au 1er janvier 2023.
Pour rappel, le Pilier 2 est un dispositif réglementaire de l’OCDE, engagé à l’initiative des Etats-Unis pour organiser un dispositif fiscal international en charge d’appliquer un taux d’impôt sur les sociétés pivot et minimum de 15 %, Ce taux est dirigé vers les groupes internationaux dont les activités transfrontalières nécessiteraient un paiement perçu sur chaque juridiction au sein desquelles leurs filiales ou succursales disposent d’une activité opérationnelle. Les entités exerçant dans le secteur du numérique sont particulièrement visées. Ces règles ne sont pas anecdotiques puisqu’elles sont applicables à 135 pays représentatifs de 90 % du PIB mondial.
La mise en pratique comptable et financière de ces nouvelles modalités fiscales a généré de grandes inquiétudes au sein des entreprises et des investisseurs au regard de l’application de la norme IAS 12. Ces incertitudes, notamment en raison de la diversité de l’application du droit fiscal dans certaines juridictions de ces 135 pays, ont été prises en compte par le normalisateur en proposant cet exposé-sondage. Pour rassurer les groupes et leur permettre de s’adapter, le normalisateur comptable international a proposé une exception à la comptabilisation des impôts différés résultant de la mise en œuvre des règles Pilier 2. En outre, il a été demandé aux entreprises de prévoir une communication adaptée à leur exposition à ces nouvelles dispositions fiscales. Une exception temporaire à la comptabilisation des impôts différés est une dérogation significative à [AS 12 dans la mesure où cette norme s’applique aux règles de détermination des impôts sur le résultat comptable adoptées pour la juridiction d’un pays. À ce titre, la question de l’éligibilité à la norme IAS 12 de la règle des 15 % est totalement évidente. Ainsi, l »ASB a donc proposé que, par exception aux règles d’TAS 12, une entité ne comptabilise pas d’actifs et de passifs d’impôts différés calculés sur la base du dispositif du Pilier 2, ni ne divulgue d’information sur ces impôts. Toutefois, l’application de cette exemption par le groupe doit être mentionnée en annexe des comptes au même titre que son exposition au dispositif Pilier 2. Plus précisément, les groupes doivent informer des pays dans lesquels leurs activités entrent dans la base fiscale des 15 % et les conditions juridiques d’adoption du pilier.
En conséquence, les entreprises sont tenues de respecter un cadre informatif assez strict. En effet, les groupes exposés à la réglementation Pilier 2 doivent fournir les États dans lesquels le taux d’imposition effectif moyen de l’entité est inférieur à 15 %. La norme IAS 12 (§ 86) définit ce taux comme « le taux d’impôt effectif moyen est égal à la charge ou produit d’impôt divisé par le bénéfice comptable ». Par ailleurs, le normalisateur international souhaite que le montant global du bénéfice comptable réalisé dans ces Etats, c’est-à-dire le montant total de la charge ou crédit d’impôt y afférant ainsi que le taux d’impôt effectif moyen pondéré est déterminé en conséquence puissent être communiqués aux parties prenantes. Le groupe est aussi tenu d’identifier les États qui, bien qu’adoptant le dispositif Pilier 2, ont appliqué des particularités dans la reconnaissance et le calcul des 15 % engendrant une minoration de l’impôt, voire une franchise totale. Par ailleurs, l’IASB demande que les entreprises puissent présenter de manière séparée la charge fiscale exigible issue du Pilier 2 sans en justifier le calcul pour autant. L’application de cette exception décrite dans l’exposé sondage est un texte normatif lorsqu’il sera homologué par l’IASB et qui correspond à un changement de méthode édictée par la norme TAS 8. En conséquence, la première application de ce texte doit être comptabilisée de manière rétrospective.